lundi 10 octobre 2016

L'art thérapie : Pour qui ? Pour quoi ?

Peindre pour prendre conscience de ses contradictions, danser pour dédramatiser ses conflits… La création artistique permet avec l'art-thérapie d'accéder à des sentiments enfouis.


Parce que nombre d’entre nous hésitent à entreprendre une thérapie classique ou une psychanalyse, l’art-thérapie compte de plus en plus d’adeptes. Elle apparaît souvent, en effet, comme une chance nouvelle d’accéder à ses sentiments et à ses émotions refoulés « parce qu’elle travaille dans le “mine de rien”, en utilisant une stratégie de détour, une ruse qui permet de contourner les résistances au changement », explique le Dr Jean-Pierre Klein (L’Art-thérapie, Puf, collection Que sais-je, 1997), psychiatre et directeur de l’Inecat (Institut national d’expression, de création, d’art et de thérapie) de Paris.
Son principe ? Se servir de la création artistique (peinture, théâtre, danse, collage, modelage, photographie, marionnettes) pour pénétrer les problématiques inconscientes de l’individu et le conduire à une transformation positive de lui-même. « Le but, reprend Jean-Pierre Klein, est de partir, dans le cadre d’un processus créatif, de ses douleurs, de ses violences, de ses contradictions pour en faire le matériau d’un cheminement personnel. Du pire naît ainsi une construction, une production qui tend vers l’art. »

Historique

Si l’on mentionne parfois le nom du marquis de Sade comme précurseur de la méthode – en raison des spectacles qu’il dirigeait, vers 1800, à l’asile de Charenton et qui attiraient le Tout-Paris avide de voir des aliénés en représentation –, on attribue plus sérieusement l’origine de l’art-thérapie au peintre anglais, Adrian Hill, qui en fit le premier l’expérience en 1940. 
Tuberculeux et placé en sanatorium, il entreprit, durant sa convalescence, d’entamer une flânerie sur papier qui, au grand étonnement des médecins, lui octroya un rétablissement rapide. « Lorsqu’il est satisfait, l’esprit créateur […] favorisera la guérison au cœur du malade », écrivit-il. Intéressée par cette approche, la Croix-Rouge britannique l’utilisa avec ses patients. En 1950, les premiers programmes de formation en art-thérapie virent le jour aux Etats-Unis.
En France, il fallut attendre 1986, malgré une pratique bien antérieure, pour que le concept soit enfin reconnu par la communauté scientifique au cours d’un congrès international.

Déroulement d’une séance


« Le premier rôle de l’art-thérapeute est de favoriser la créativité chez le patient qui, face à la feuille blanche, commence souvent par dire qu’il ne sait pas dessiner, explique Ariane Walker, art-thérapeute et artiste peintre. J’explique donc qu’il s’agit, avec les pinceaux et les tubes de couleur, de se laisser aller, de laisser faire sa main sans mobiliser son cerveau. » Pour contourner les résistances, certains thérapeutes proposent un thème : par exemple, les "quatre éléments", le "labyrinthe", la "signature", "l’arc-en-ciel"… Et plus rares sont ceux qui donnent un modèle à imiter.
« Dans tous les cas, commente Geoffrey Troll (co-auteur, avec le Dr Jean Rodriguez, de l’Art-thérapie, pratiques, techniques et concepts, Ellébore, 1995), artiste et formateur en art-thérapie, notre but est de donner une impulsion de création au patient. Nous sommes des guides montrant les chemins possibles. » Une fois le processus enclenché, le rôle du thérapeute est d’encourager le patient à poursuivre ou à développer – sans jugement – un mouvement, une forme qui se répète d’une production à l’autre et qui semble porteur de sens.
« L’accompagnement du thérapeute est discret, annonce Jean-Pierre Klein. Il se contente, dans un premier temps, d’accueillir les productions, de les orienter dans le sens d’une plus grande clarté, ce qui n’exclut pas la complexité. Car il ne s’agit pas non plus de se satisfaire du moindre trait, de dessins bâclés, de petits cœurs ou de jolies fleurs. Se contenter de peu est dévalorisant pour tous. La fonction de l’art-thérapeute est donc de pousser, avec beaucoup de prudence, le patient vers toujours plus de profondeur. » Car c’est lorsque la personne lâche enfin prise et quitte la superficialité que la thérapie avance.
En cours de séance, certaines personnes expérimentent ainsi des "surprises de conscience". « D’un seul coup, le sens de leur production s’impose, poursuit Jean-Pierre Klein. C’est comme si une évidence longtemps secrète leur sautait aux yeux. » Cela peut être un souvenir oublié, une émotion longtemps refoulée, une association particulière d’idées… L’art-thérapeute a, dès lors, une fonction d’écoute pour soutenir la prise de conscience au même titre qu’un thérapeute classique. Cependant, certaines personnes poursuivent leur thérapie sans qu’aucune surprise n’intervienne, et cela ne signifie nullement que la thérapie n’évolue pas. Dans tous les cas, les fins de séances donnent lieu à un échange verbal entre le praticien et son patient. Après avoir achevé sa production, ce dernier est ainsi invité à parler de ce qu’il a ressenti durant la création, de ce que celle-ci lui suggère. Pour ce, l’art-thérapeute peut soutenir la réflexion en posant des questions toujours extrêmement larges pour ne pas orienter les propos du patient. Chacun doit pouvoir, en effet, poursuivre son cheminement à son rythme, sans être brusqué par des révélations qu’il n’est pas prêt à entendre.
« Notre rôle, conclut Jean-Pierre Klein, ne se situe donc jamais dans l’explication de l’origine du trouble du patient, en ce sens que nous ne proposons pas une interprétation des œuvres. » Il est inutile de s’attendre donc à des révélations du genre "rouge = agressivité" ou "mouvement vertical = phallus". Ces raccourcis sauvages n’ont guère leur place ici.
Source : Stéphanie Torre, "Psychologie magazine", retrouvez l'article complet sur :

mercredi 5 octobre 2016


"Article paru dans La Gazette du 19/09/2016"
Une côte à gravir et quelques marches sont obligatoires pour atteindre la relaxation au cœur de Pontoise. Depuis un an, Sylvi Pasquier, artiste peintre et médiatrice en art thérapie, a créé les Ateliers Zen. C’est dans son atelier au fond de son jardin que tout se passe. Une table de bois disposée au centre de la pièce, des pots de crayons de toutes sortes et une musique relaxante. Il est l’heure de commencer.
Avant tout, les téléphones doivent rester dans le sac ainsi que les petits problèmes du quotidien. Tout débute par une relaxation guidée par le son de la voix de l’hôte.
Découverte de soi
Une fois les mauvaises énergies mises de côté, il est temps de débuter la partie créativité. Avant de s’emparer des tubes de colle et des paires de ciseaux, une ligne directive est donnée, afin de cibler la séance. Le mandala est à l’honneur pour cette fois et chaque participante va devoir confectionner le sien à base de collage de papier.
Cette activité est différente de celles qui peuvent être proposées à Pontoise, ici les participants libèrent leur créativité ainsi que leurs émotions. Entre deux tasses de thé, les confessions se font :
« Avec cet atelier, il y a un développement personnel qui se fait au fur et à mesure des séances. C’est quelque chose qui détend et qui permet une découverte de soi »,explique Valérie, adhérente de cet Atelier Zen depuis quelque temps. Ces moments de méditation sont à la portée de tous, il n’y a pas de critères pour venir se détendre.
L’intérêt est de s’exprimer et de laisser libre court à son imagination, de ne plus être dans le contrôle et d’être spontané. À la fin de la séance, tout le monde admire le travail des uns et des autres. Les créations reflètent la plupart du temps l’état d’esprit dans lequel le participant se trouve. « Pour moi, c’est un très bon moyen de s’évader et de déconnecter pour quelque temps de ce qui nous entoure », confie Brigitte.
Clara CECCARELLI